Bonnie est étrange, pas de toute là-dessus. Mais elle a le mérite de très bien le cacher. Sauf que voilà, parfois les choses dérapent, et alors plus personne ne comprend. C'est comme si elle était deux personnes bien distinctes, mais à l'intérieur d'une seule. Pas à la manière des schyzos, non, absolument pas. Ces deux personnes n'entrent jamais en confrontation, elles ne forment qu'une seule et même Bonnie, une Bonnie plus que complexe. Tout chez elle est paradoxal. Clyde est sans aucun doute l'origine de bien des choses : Bonnie est sous la totale influence de son frère pour la majorité des choses. Si les gens la pensent pour la plupart d'un naturel très autoritaire et indépendant, c'est qu'ils ne l'ont jamais vue dans l'intimité en présence de son frère, où elle change soudainement. Son caractère plutôt fort semble devenir poussière lorsqu'elle entre à son contact : elle est bien incapable de lui dire non, incapable de voir des limites, elle quitte le raisonnable et abandonne ses peurs pour le suivre aveuglément, elle si méfiante habituellement. Sa méfiance provient de toute évidence de l'abandon de sa mère, lorsqu'elle était encore gamine, qu'elle n'a jamais pu surmonter. Encore aujourd'hui, Bonnie est une fille davantage froide que chaleureuse en ce qui concerne les relations sociales, mais allez savoir pourquoi, il lui arrive là aussi de changer du tout au tout, son amitié avec Kamila en est la preuve vivante. Ne lui demandez jamais ce qu'elle veut, elle ne sera jamais en mesure de vous répondre. Bonnie a été, est et sera toujours une fille bien paumée. Elle est incompréhensible pour les autres autant que pour elle-même : naïve un jour, elle se montrera partisane de la théorie du complot le lendemain ; elle sera bouleversée par des sentiments exacerbés une heure, puis vivra comme un automate, sans réelle émotion ; menteuse de profession, mythomane de maladie, il lui arrivera alors parfois d'être extrêmement franche (uniquement pour les choses non compromettantes, bien entendu. Les secrets sont toujours parfaitement gardés, aucun moyen de mettre la main dessus.). Elle est une chose, mais elle peut également se révéler le contraire, et elle est perdue dans ce bordel. La relation qu'elle entretient avec son père en est l'exemple même : elle peut très bien passer toute une journée à écouter le paternel se lamenter sur de quelconques soucis, lui servant de psy, pour l'envoyer se faire voir le lendemain, rejetant toutes les règles qu'il impose. Il faut avouer que de ce point de vue-là, Bonnie est plutôt du genre teigne (merci Clyde), au point que la barrière entre ce qu'il est bien et ce qu'il est mauvais de faire s'atténue de plus en plus. Mais remarquez que malgré tout, elle sera bien vite prise d'une envie de se racheter, et redeviendra fille modèle pour un temps. Et tout ça n'est pas un rôle, ce n'est pas un masque. C'est sa réelle manière d'être, et voilà pourquoi prévoir les actions de cette fille relève du pur miracle. Seul Casey peut probablement s'en vanter ; il faut dire que si elle fait son maximum pour le protéger, étant l'ainé, c'est bel et bien lui qui a le contrôle, et il lui suffit de peu de paroles pour qu'elle se range immédiatement à ses côtés et fasse ce qu'il lui demande. Ce qui n'empêche pas les confrontations, parce qu'elle est justement une maniaque du contrôle. C'est le côté sombre, si l'on peut dire. Il lui arrive d'ailleurs d'être une véritable salope : tuer sa mère la rendrait presque heureuse, et si elle déteste voir les autres souffrir, tout dépend de ce qu'ils ont fait auparavant. Particulièrement rancunière, elle peut se montrer détestable vis à vis de certaines personnes, en souvenirs de certains évènements, disons. Et il en faut peu pour se la mettre à dos ; possessive a outrance, il lui faut des déclarations d'amour constantes, ou alors elle se mettra a douter. Il faut dire qu'elle se tient en très basse estime, comme si elle n'était pas digne d'être aimée. Les gars la considèrent comme un bout de viande, les filles la voient comme une rivale, mais rares sont ceux qui ont autre chose que de la haine ou de l'intérêt dans les yeux. Entrer dans ses mauvaises grâces est toutefois assez risqué; la demoiselle peut se montrer manipulatrice a souhait et sait comment rendre chaque coup porté. Particulièrement observatrice, sa passion pour l'écriture lui permet de mettre tous les sentiments, les actes et les paroles sur papier, voilà pourquoi analyser les autres et leurs pensées se révèlent bien souvent d'une facilité déconcertante; s'en servir contre eux n'est qu'a un pas. Toutefois, elle reste d'un naturel vraiment trop gentil et se plait a dire qu'ellene blesse pas gratuitement, que ce sont les autres qui attaquent toujours en premier. Se retrouver du côté de ceux qui ne lui veulent que du bien est une véritable aubaine, déjà parce qu'on évite ainsi les poings toujours pressés d'être utilisés de Casey, mais aussi parce que la jeune fille est d'une loyauté a toute épreuve ainsi que d'une compréhension sans faille, héritée d'une ouverture d'esprit développée ; noyées au milieu des défauts, on aperçoit bel et bien des qualités.

Un petit tour du côté des goûts vous apprendra que Bonnie n'est pas seulement raide dingue de son frère; elle a d'autres passions dans la vie, oui. L'écriture est en pôle position, mais la plupart des domaines artistiques suivent également. Alors, pourquoi L Team ? Des tas de raisons, certes, mais l'une en particulier se nomme Into The Wild, l'un de ses films (et livres) préférés. Elle rêve depuis toujours de faire comme le personnage principal, tout plaquer et se barrer, s'abandonner a un monde quasiment vide d'humains et laisser peu à peu son désespoir et sa solitude ressortir. Ce côté dégoûté de la société lui vaudra sa place au soleil chez les anticonformistes, mais l'occasion d'en parler se représentera. Âme torturée, elle voue un culte a Black Swan, Le monde de Charlie, American History X ainsi qu'au tristement célèbre Requiem For A Dream, drames qu'elle repasse en boucle sur la télé de sa chambre, parfois sans même réellement regarder. C'est que la jeune femme est pleine de manies étranges que son frère est l'une des seules personnes a connaitre : couper le son de ladite télé, se cacher dans la douche pour pleurer, ranger tous les chargeurs possibles dans un carton, souhaiter bonne nuit au monde avant de s'endormir, compter jusqu'à six avant d'entrer dans une salle de cours, ou encore allumer une cigarette sans la fumer juste pour profiter de l'odeur...

☆ histoire :

Lundi, 01h46 du matin ✗ Chez les flics. Voilà où elle se retrouvait. Enfin. Elle attendait ce jour depuis si longtemps. Celui où elle serait coincée, où un meilleur menteur qu'elle verrait clair dans son jeu et se contenterait de la cueillir comme une fleur déracinée, elle, simple enfant un peu perdue, gamine aux yeux du monde prête à se complaire dans les moindres mensonges. Sur que Casey allait payer le prix fort de cette erreur. Cette idée ne lui plaisait vraiment pas, en revanche. Elle était l'ainée, putain. Elle se devait de le protéger, c'était une règle sans appel. Ils s'étaient tellement battus pour être ensemble, et ils avaient eu tant de mal à protéger leur lien... voler n'est de toute évidence pas quelque chose de bon, puisque maintenant, tout était foutu à l'eau. Mais c'était lui qui le voulait, parce qu'il était Clyde et que c'était ainsi que les choses se devaient d'être, elle n'était que Bonnie, celle qui suit et devient complice malgré elle, celle qui s'énerve et refuse avant de finalement céder en voyant ce sourire, ces yeux pétillants et malicieux, ce rire convaincant et heureux. Elle n'était que Bonnie, celle que l'adrénaline grisait, celle dont le danger faisait battre le cœur, celle qui mentait mieux qu'elle ne savait respirer.

Elle voyait d'ici le regard paniqué de son pauvre père. « Oh, Bee, comment as-tu pu me faire une chose pareille ? Chérie, qu'est-ce que j'ai fait de mal ? Ça n'a pas toujours été facile, mais j'ai fait de mon mieux pour t'élever ; où est-ce que j'ai échoué ? ». Et elle se voyait déjà trembler et pleurer en lui disant que ce n'était pas de sa faute, à lui, que tout venait d'elle et de cette mère inutile qui ne connaissait rien aux responsabilités. On revient toujours au même point ; les sombres moments ressortent, la douleur de l'abandon prend aux tripes, on dirait des excuses. Elle s'y voyait déjà, oui, ressortir tout ce qu'elle s'efforçait pourtant de cacher depuis tant d'années, devoir donner des explications à tout le monde, inconnus comme proches, là où elle ne savait que mentir, puis s’agacer parce que l'idée de décevoir suffisait amplement à la mettre hors d'elle.

Il fallait trouver d'autres idioties à raconter aux flics. Tirer Clyde de ce mauvais pas, au moins. Faire appel à son esprit plus qu'inventif, se souvenir de toutes les feuilles qu'elle avait déjà noircies et y trouver des idées crédibles. Parce que les types en costume chargés de faire régner cette putain d'autorité qu'elle tenait en pure horreur les avaient coincés, son,frère et elle, et que les liasses de billets étaient finalement ressorties, pas assez bien planquées. Bordel, mais c'était une faute de débutant, c'était à hurler de rage. Peut-être que, faute de mieux, elle devrait plaider leur pitié, ouvrir ses grands yeux bleus et dire qu'elle n'était qu'une gamine élevée dans un monde sans argent. Se forcer à être triste, jouer la comédie à la perfection, en pleurant comme une épouse éplorée. Attendrir avec une fausse innocence, manipuler avec un réel plaisir. C'est tellement bon, de voir les gens sauter à pieds joins dans les pièges tendus. Elle pourrait aussi rappeler qu'elle avait obtenu une bourse pour ses études, preuve qu'elle cherchait à s'en sortir et à se ranger bien sagement. « Regardez, l'argent manque souvent. Est-ce qu'on peut réellement me tenir rigueur d'avoir volé quelques billets ? Ce n'est rien, absolument rien. » Évoquer une simple bêtise d'adolescente, voilà. Alors que c'était une putain de maladie qu'elle se tapait, et idem pour Casey. Un engrenage sans espoir, un tourbillon sans fond dans lequel ils se plaisaient à évoluer.

Et puis tout change. D'un coup. Deux secondes et Bonnie devient folle. Les pieds des chaises se tordent, la pièce augmente puis diminue, les murs se rapprochent, se tachent de sang. La table tremble avant de s'effondrer et de tomber en miettes, grains de poussières balayés par un vent soudain, comme une tempête qui ne passe qu'à un endroit précis et ne touche rien d'autre. C'est à n'y rien comprendre, et pourtant Bonnie comprend : elle nage en plein cauchemar. Encore. Qu'est-ce que c'est monotone, putain. Toujours cette même connerie, pourquoi cette même peur ? Les flics sont morts maintenant, leurs cadavres étendus sur le sol. Elle voit un couteau dans sa main mais elle sait qu'elle n'y est pour rien. Ce sont les autres qui la blessent, elle se contente d'endurer. C'est sa mère qui ira en Enfer. Et pas la peine de dire qu'elles se ressemblent, ce n'est que physique. Bonnie n'est pas lâche, elle n'abandonne pas ceux qu'elle doit protéger, elle a le sens de l'amour et de l'honneur. Bonnie n'a pas besoin de demander de l'argent, elle n'a pas besoin d'argent tout court, elle ne veut pas vivre dans le luxe, le mensonge est plus doux. Bonnie ne se plait pas à écraser les autres, elle ne ferait pas tant de mal à sa fille, si elle en avait une. Elle ne la laisserait pas pleurer. Elle n'est pas une ratée comme elle le pense si souvent, elle ne finira pas en taule ; personne ne l'aura jamais. Personne.

Lundi, 01h47 du matin ✗ « BONNIE, REVEILLE-TOI, REGARDE-MOI ! » Ses yeux s'ouvrent difficilement, elle se redresse avec une lenteur effrayante, sans comprendre. Le lit est pourtant à sa place dans la chambre, comme chaque meuble ; le monde tourne à l'endroit. Mais les draps sont chiffonnés par le cauchemar, et l'oreiller humide de pleurs. «  Tu pleurais, s'excuse Casey, je t'ai réveillée parce que tu pleurais. » Sa voix tremble, comme chaque fois qu'il lui arrive de trouver sa sœur dans un triste état – ce qui arrive assez rarement, vu la facilité avec laquelle elle se planque ou feint le parfait bonheur. Pendant quelques secondes, elle se demande comment son frère est arrivé là, à dormir par terre sur un simple matelas dans la chambre de sa sœur ; puis enfin elle se souvient : la fête improvisée de la veille, Casey et son sourire carnassier, les mains chargées de bouteilles d'alcool volées à la va-vite avec une facilité déconcertante, leurs rires joints toute la nuit, puis le sommeil qui surgit comme un coma, devant une télé au son éteint où défilent des images sans le moindre sens. «  Tu pleurais ? » relance Clyde sur le ton d'une question, l'air d'un enfant perdu. Air qu'il ne s'autorise à prendre qu'avec elle, parce qu'elle sait déjà tout, elle connait les véritables forces tout comme les faiblesses cachées. L'ambiance du moment est étrange, le monde est repeint d'une teinte inconnue ; cette nuit précisément, à cette heure en particulier, Bonnie & Clyde sont vulnérables sont même avoir une idée du pourquoi du comment. Ça arrive, simplement, et en guise de réponse elle se penche et prend son frère dans ses bras. L'étreinte se veut réconfortante et non pas désespérée, parce qu'elle se doit de garder la tête haute en noyant la moindre inquiétude, en avalant le moindre doute. «  Tu n'as rien, Dieu merci. Les flics ne t'ont pas coincé, et putain, tu n'as rien. » C'est comme une évidence empreinte d'un certain soulagement ; personne ne peut désunir deux mains si bien enlacées, personne ne peut séparer deux cœurs qui battent la même mesure.

Lundi, 08h02 ✗Bien. Comment va le monde ce matin ? Toujours la même rengaine ? La même couleur, les mêmes gestes immuables, pas de nouvelle voix à l'horizon ? Penchée à la fenêtre, accoudée à la barre de fer ridicule chargée de servir de rambarde, elle contemple la rue d'en haut. 8H du matin, un froid à s'en damner qui traverse la peau, à peine vêtue de sous-vêtements et d'un débardeur. Aucun bruit, comme toujours ; la solitude gagne du terrain, envahit les pièces, mais Bonnie la refourgue à la porte de sa chambre, bien décidée à ne pas la laisser entrer. Elle met And The Snakes Start To Sing de Bring Me The Horizon en fond sonore, histoire de s'échapper – I'm just a « would've been », « could've been », « should've been », « never was » and « never ever will be ». Elle n'ira pas en cours aujourd'hui, peu importe les répercussions, parce que ses mains tremblent trop sous l'effet du manque, son rythme cardiaque le vit mal et agit en dents de scie, un coup trop vite, un autre trop lentement.
Sa drogue est sur le bureau, pas l'air coupable pour deux sous : un ordinateur ouvert sur une page Word, des feuilles en vrac noircies d'une écriture penchée, peuplées de noms bien connus : Jensen et Damon, par exemple. Si Kamila n'était pas une connasse ces derniers temps et si elle n'avait pas ce dégoût pour la passion de Bonnie, alors peut-être y figurerait-elle, elle aussi - cette fille, ça fait mal rien que d'y penser. A partir de quand son amitié est-elle devenue si vitale ? Quand à Sally, pas moyen. Et pourtant, l'idée est plus que tentante – mais une fierté démesurée sert précisément à mettre des barrières là où il ne devrait pas y en avoir. Dereck et Casey pour finir : regardez comment ça débute, à chaque fois, les yeux habités par la haine. Et ça finira bien, enfin, probablement. A moins que la vie ne s'en mêle, et Dieu seul sait à quel point elle est douée pour ça, tout foutre en l'air avec un battement de cils à peine, moins de temps qu'il n'en faut pour le dire et c'est plié, les corps sont à terre, des larmes sur les joues et les cœurs fracturés.


☆ admission : Son entrée à Poudlard, c'était plutôt un hasard, pour tout dire. Enfin, un hasard pour elle tout du moins. Elle n'en avait pas grand chose à faire, de son avenir, malgré tout ce qu'on lui rabâchait à longueur de temps. C'était trop loin. Et puis la seule chose qu'elle voulait réellement, c'était pouvoir être dans le même bahut que Casey, et elle était prête à le suivre à peu près n'importe où, que ce soit dans un lycée de bas étage rempli de racailles où sa vie sociale risquait probablement de mourir, ou alors dans un lycée de bourges prétentieux où... sa vie sociale risquait également de mourir. Au final, le choix s'est porté sur Poudlard, allez savoir pourquoi lui plus qu'un autre. Des histoires de réputation, de bons résultats ou quelque chose comme ça. Sur que ça ferait une couverture idéale, et un prétexte pour rester enfermée dans la chambre plus que de raison (je bosse, papa). Elle s'est prise d'affection pour la L Team bien rapidement. Étrangement, c'est la référence à looser qui l'a attirée. Bonnie, chez eux ? Est-ce qu'elle avait sa place dans ce genre de groupe ? (la majorité des hommes s'accordait à dire que non). Bref, prise de curiosité, elle est allée fouiller de ce côté-là. Et qu'a t-elle trouvé ? Des gens merveilleux. Des gens qui sortaient de l'ordinaire, même si cela ne se voyait pas au premier abord. Elle a bel et bien compris que le L, c'était pour lambda, comme s'ils étaient normaux, la blague. Personne n'est normal, la normalité n'existe pas. Le comique de la situation (qu'elle était probablement la seule folle à voir, remarquez) l'a poussée à s'intéresser encore plus aux gens de la L Team. Je refuse qu'on me mette dans une case, disait l'un ; je me fous de toutes leurs conneries, disait l'autre. Bonnie avait envie de dire que tout compte fait, ils étaient dans une case, mais ce qu'ils disaient était tellement Bonnie justement, qu'elle est restée et qu'ils l'ont adoptée. Et cette fois-ci, c'est Clyde qui a suivi.