Moe fume, occasionnellement. Elle a un rituel à suivre bien précis le matin, et est bien moins bordélique qu'elle n'en a l'air. Chaque chose à sa place, et celui qui touche à quoi que ce soit aura droit à un petit soupir agacé. Moe ne se fâche jamais, du moins, elle en a pas l'air. Elle reste impassible à tout ce qui l'entoure, se contentant de parler d'une voix assez grave et basse ; s'exprimant en poussant des soupirs déterminant son état d'esprit. Moe est souvent seule. Bien qu'elle ne soit jamais allée voir un médecin, on pense que c'est un genre d'agoraphobie, mêlé a un besoin de solitude assez fort. Il y a quelques années, elle était pas comme ça, mais trop de bruit l'énerve, et elle s'évade en musique. La musique, c'est sa vie. Elle en écrit pas, elle ne joue d'aucun instrument, mais elle ne pourrait pas vivre sans. C'est d'ailleurs, les seuls moments où elle n'a pas peur de se mêler à la foule ; pendant des concerts. Moe a plus l'habitude de se battre, et à 18 ans, elle se considère déjà comme vieille. Elle joue tout le temps avec ses cheveux, et ceux qui la connaissent arrivent a y voir un signe de son humeur. Vers la droite quand tout va bien, dans l'autre sens qu'habituellement quand elle s'énerve, ou vers l'arrière lorsque quelque chose la tracasse. Moe, quand elle se présente, elle dit juste " Moi, c'est Moe." On ne sait pas pourquoi elle ne dit jamais son prénom entier, même elle d'ailleurs, elle préfère Moe, la fin est un peu trop agressive à ses oreilles, peut-être. Moe peut passer des heures entières à ne fixer qu'un point sans bouger d'un pouce, ce qui lui vaut son surnom de "statue". Certains voient ça comme une forme d'autisme, d'autre comme une preuve de sagesse. En effet, pendant ces moments d'absence, presque rien ne peut la troubler - parfois elle ne réagit même pas lorsqu'on lui parle. Elle est juste plongée dans ses pensées, s'interroge sur un petit truc et finit par être à la limite d'en écrire un roman. C'est une des raisons qui fait qu'elle excelle en philosophie. Au niveau de ses notes, d'ailleurs, c'est soit un extrême, soit l'autre. Elle n'est touchée que par une seule forme d'art, l’impressionnisme en peinture et le musique en général, mais trouve l'architecture, la sculpture et la photo inintéressantes. Les films, c'est juste bon à regarder, elle a des bonnes notes si le passage étudié contient de la musique. Les mathématiques appliquées lui semblent simples, ce qui énerve passablement son professeur parce qu'elle ne la voit jamais bosser. Elle est très forte en philosophie, aussi, les trucs d'esprit, c'est son truc. Le reste, il faut pas lui demander. Elle était gymnaste pendant un temps, mais ne veut pas se coltiner toutes les pétasses de l'école, alors elle se ramasse en sport, préférant s'asseoir sur un banc pendant toute la séance. On dit de Moe qu'elle est calme, qu'elle n'a pas assez d'ambition, mais c'est faux. Moe a une lubie qui la rendra folle : elle veut retrouver son frère à tout prix, qu'importe s'il est mort, qu'importe s'il est devenu aussi fou qu'on le prétend. A côté de ça, Moe pourrait presque se fondre dans la masse, elle ne se distingue en rien, c'est juste quand on va lui parler qu'on la catalogue de fille bizarre, ou quand on est avec elle en cours. Elle est dans la L-team par défaut, de toute façon elle ne croit pas avoir sa place nulle part, alors elle elle essaie d'avoir une position stable, d'être sûre qu'elle ne va pas devoir partir du jour au lendemain avant de commencer à se lier avec les gens.

☆ histoire :
Je me rappelle du soleil qui battait contre les fenêtres, du rire hystérique de mon frère quand mon père lui courrait après pour le mettre sur son épaule et l'emmener au lit, riant lui aussi. Mon frère avait toujours été un gamin qui courrait et sautait partout, assez intenable mais attachant. Moi, j'étais plus tempérée, plus modérée, j'avais mes jeux à moi et j'attachais une importance toute particulière à mon rôle de fille de la maison. J'aimais porter des robes, me faire tresser les cheveux, jouer a des jeux chiants et débiles qui représentent la vie future. C'était une vie comme une autre, destinée à rien, maudite par personne, je faisais mon petit bonhomme de chemin comme chaque enfant normal. J'étais trop petite, à l'époque, pour comprendre que ceux qui venaient à la maison et parlaient à mon frère pendant des heures n'étaient pas des amis de la famille. Il s'appelait Jono, et moi je l'aimais pas trop, parce que mon frère ne voulait pas qu'on joue ensemble quand il était avec lui. Et puis je comprenais pas, surtout, pourquoi lui seul pouvait le voir, pourquoi il ne parlait qu'à lui.
Je me rappelle de la voix brisée de ma mère, des larmes qui ont trop souvent brillé dans ses yeux sans qu'on ne m'explique pourquoi ; alors qu'elle pouvait être si joyeuse, alors qu'elle savait être si tendre et distante à la fois. Je me souviens de ma question innocente, je devais avoir les sourcils froncés par l'incompréhension, j'avais toujours eu envie de tout savoir ; une curiosité sans normes pour une trop petite fille. Je me souviens de la réponse de ma mère, qui n'avait été que murmure, mais cette fois-ci, elle ne s'était pas défilée, pas comme papa qui prétendait que tout allait bien. « Morag... Jono, il existe pas. C'est dans la tête de ton frère, c'est tout. » la encore, je n'avais pas compris. J'avais été déçue, j'avais boudé, mais pour moi c'était de la même force que quand mes parents m'avaient appris la vérité sur le père Noël, et je n'y avais pas accordé beaucoup d'importance. J'aurais dû, surement.
Mais je continuais ma petite vie de gamine, me faisant des amies, me disputant avec mon frère, jouant dans mon coin alors que les "amis de mes parents" venaient me voir.
C'était devenue une habitude, je n'y faisais plus trop attention, c'était des "trucs de grand". Mais mon frère, lui, commençait à comprendre. Il piquait des colères, et seul mon père pouvait le calmer. ma mère commençait à avoir peur de lui. Elle le regardait, ses grands yeux écarquillés, elle nous surveillait de la fenêtre de la cuisine quand on jouait dehors. Elle s'engueulait avec mon père, qui refusait de voir que son fils avait un problème, qui nous aimait d'un amour aveugle et qui nous couvait peut-être un peu trop, mais on l'aimait aussi. Et mon frère pleurait, il n'était vivant que lorsqu'on jouait, autrement, il ruminait ses pensées sombres et parlait à Jono, qui ne lui soufflait pas toujours que des bonnes idées. Je m'étais battue avec une fille de ma classe, qui m'avait dit que mon frère était un fou, et que c'était ses parents qui lui avaient dit. J'étais une gosse, certes pas dans un environnement des plus sains, mais j'étais quand même une gosse, et la seule chose à laquelle j'aspirais, c'était une vie tranquille où je pouvais m'épanouir comme je voulais. Je me fichais pas mal des autres, c'était cet égocentrisme enfantin qui faisait que, les trucs autour de nous, on s'en foutait pas mal, tant qu'on avait pas mal et qu'on s'occupait de nous quand on avait besoin. « Moi, je crois pas que t'es fou. » ; j'avais un jour dit à Jono, alors qu'on épiait les adultes parler, un soir, couchés sur le palier de l'escalier. Comme d'habitude, il était au centre des conversations, mais ça lui faisait pas plaisir, alors j'étais pas jalouse. Je lui avait fait un dessin de notre cheval, celui qu'on voulait avoir, et il le gardait sur son coeur. Moi je voulais pas le partager avec Jono, parce que Jono voulait pas me parler, et même si il était que dans la tête de mon frère, ça faisait pas de grande différence, pour moi. Il pouvait parler de moi à mon frère, qui m'aurait tout répété par la suite. Mais non, il le faisait pas. Alors j'attendais, avec cet espoir insensé qu'on les enfants, qu'il veuille un jour, accepter de me parler.
Et puis un jour, papa n'est pas rentré. Maman m'a dit d'aller le dire à mon frère, que c'était fini, qu'il ne reviendrait plus, qu'il était parti, que ça faisait mal mais que c'était comme ça, qu'il continuerait de vivre au fond de nos coeurs. J'ai pas très bien compris, mais à l’idée de plus revoir papa, j'ai pleuré avec elle.
Et, si la situation était déjà un peu bizarre avant, la mort de mon père avait signé la mort de la famille.


« [...] et tu iras à Poudlard, c'est pas génial ?! » 11 ans. Ouais, ça, c'était l'époque où, quand on me parlait et que ça me faisait chier, je faisais au moins l'effort de soupirer ou de grommeler quelque chose. Je ne me figeais pas encore totalement. De toutes façons, qu'est-ce qu'elle aurait voulu que je réponde ? Elle avait décidé à ma place que ça serait génial. Elle, c'est madame X, une parmi tant d'autres. Bon, peut-être pas autant que ça, mais j'ai connu trop de famille d'accueil pour avoir gardé un bon souvenir d'elle.
11 ans, l'âge où je suis entrée à Poudlard, une école avec une super réputation, où j'ai trouvé ma place parmi les Serdaigle. A l'époque, j'avais encore envie de me glisser dans une place que quelqu'un aurait préconçue pour moi. Devoir m'adapter, me plier aux regards des autres, ressembler à tout le monde, me perdre dans la foule, aller de l'avant. Poudlard, j'en avais pas grand chose à faire, j'en ai toujours un peu rien à foutre, pour tout dire. Je méprise ces snob qui se la pètent parce qu'ils sont dans cette école. J'ai baissé la tête pour cacher mes larmes derrière un rideau de cheveux, chose que je fais toujours, bien que je ne pleure plus beaucoup.
Comment se fait-il que je sois en famille d'accueil alors que seul mon père est mort ? C'est une question que je me pose encore de temps en temps. Mais je connais très bien la réponse. Pour rien au monde je ne retournerais vivre avec ma mère. J'avais neuf ans quand mon frère m'a été arraché par cette femme sans coeur et peureuse comme pas possible. Pour son image, elle a préféré abandonner son fils plutôt que de se battre pour lui. C'était la voie de la facilité, mais c'était un abandon total. En abandonnant mon frère, elle n'a pas fait que séparer un peu plus la famille. Elle a craché sur la tombe ouverte de mon père, ouais, parce que pendant toutes ses années, il avait beau avoir joué à l'aveugle, il avait entretenu une vie de famille vivable, selon mes souvenirs d'enfants. Que personne n'essaie de me réconcilier avec ma mère, c'est une cause perdue, et c'est aujourd'hui la seule conversation agaçante face à laquelle je ne me statufie pas, au contraire, je peux devenir violente, ce qui me fait peur, parfois. Heureusement, la plupart des gens ne savent pas, ou n'essaient même pas.
J'ai donc été arrachée à ma famille, comme ça, pour rien. Placée en famille d'accueil, comme mon frère ; je voulais pas le quitter, au départ. C'était trop de bouleversements d'un coup, et j'avais peur. Ma tête d'enfant ne s'était pas préparée à voir se famille tomber en cendre du jour au lendemain, comme ça, sous ses yeux, sans pouvoir y faire quelque chose. Je me suis retrouvée toute seule, au milieu d'une marre d'inconnu aux sourires faux qui ne me souhaitaient que du bonheur, mais moi je m'en fichais du bonheur, je voulais juste quelque chose de stable, un endroit sauf, où je pourrais reprendre mes repères. Ma mère me manquait, au début, j'avais honte de me l'avouer, mais j'espérais encore qu'elle revienne me chercher, mon frère à ses côtés, pour me dire qu'elle était désolée. Je n'était qu'une enfant, j'aurais boudé un peu, et puis ça serait passé, tout simplement. Sauf que ce n'est jamais arrivé. J'ai été séparée de mon frère, et je me suis rendue compte que j'allais mieux, sans ma mère.
Et, doucement, j'ai grandi dans un environnement fragile. Je suis allée à Poudlard, j'y ai trouvé ma place chez les Serdaigle. J'étais une fille un peu rondouillette, qui espérait encore trouver le bonheur, au sourire étincelant et aux grands yeux bleus plein d'espoir. Espoirs déçus, vie gâchée. Je hais.
Moins qu'avant, plus que demain. Lorsque, deux ans plus tard, je quittais Poudlard pour aller dans une famille à l'autre bout du pays, j'ai commencer à haïr, de toutes mes forces. Je suis rentrée dans l'adolescence en ayant déjà des envies dévastatrices. Je jouais avec le feu, je perdais, on me classait comme dangereuse, j'allais voir des psy dont je refusais l'aide. Je devenais folle, parce que, à l'inverse de mon frère, qui avait quelqu'un en trop dans sa tête, j'étais seule. Désespérément seule, et mal dans ma peau. J'ai arrêté de manger, j'ai arrêté de sourire, j'ai oublié comment survivre et je me rappelais de temps de temps comment respirer. Tout avait une trop grande importance, pour moi, à cette époque, je n’avais pas envie de réfléchir, je ne voulais pas comprendre. A quoi bon essayer, puisque ce n'était pas normal, que je doive comprendre. Tout aurait du m'être expliqué clairement, je n'aurais pas du devoir comprendre quoi que ce soit. J'appelais mon frère, parmi mes sanglots, le soir, et j'en voulais à Jono de me l'avoir enlevé, j'en voulais au monde entier de m'avoir enlevé mon père mais d'avoir laissé ma mère. J'ai nourris une haine sans pitié pour cette femme, que je juge responsable de ce qu'il m'arrive. Elle n'a jamais cherché à me récupérer. Peut-être qu'elle avait conscience que c'était une cause perdue, que malgré tout, je m'en sortais mieux sans elle.

Et puis lentement, sans que je ne sache d'où ni de comment, j'ai commencé à aller mieux, a relativiser. A cesser de haïr tout et n'importe quoi. Je me suis enfermée dans mes pensées, j'y ai trouvé un refuge, où rien ni personne ne pouvait m'atteindre. J'ai commencé par me taire, puis par me figer pendant des heures en restant à la même place. Certains psy y ont vu une forme d'autisme, mais disaient que ce n'était pas grave. Ils n'avaient pas peur, eux, et moi non plus. J'allais mieux, et c'était le plus important.
Je suis retournée à Poudlard, c'est la deuxième année que j'y suis de nouveau. C'est bizarre. Il y a quelque chose en moi qui me souffle que c'est le moment de recommencer à vivre, de se faire des amis, puisque de toutes façons, l'an prochain tout ça sera fini, il n'y aura plus la peur d'être envoyée à l'autre bout de la Terre pour une raison stupide, il n'y aura plus le frisson d'appréhension en allant chez un psy, qui me dira ce qu'il se passe dans ma tête, il n'y aura que moi, et le reste du monde.


☆ admission : en L team. Morag n'est arrivée ici que pour le lycée, elle était venue faire sa première année de collège mais n'est pas restée longtemps, parce que c'est à cette époque qu'elle a commencé à avoir des problèmes, qui ne sont pas terminés. Moe n'est destinée à rien, n'a pas une vocation particulière toute tracée, n'est pas une ariste incomprise, elle ne rentre nulle part. Elle est donc dans la L team par défaut, et compte bien y rester. Quelque part, elle aimerait surement faire partie d'un groupe, qui l’aiderait peut-être à définir qui elle est vraiment, mais elle s'est bien vite rendue à l'évidence, elle est trop marginale pour être acceptée à part entière dans une groupe, et la plupart se connaissant depuis toujours, elle ne se voit pas intégrer une des maisons ; de plus elle est demi-pensionnaire, alors à quoi bon ? Mais malgré tout, elle ressent une étrange affection envers tous ceux qui font partie, comme elle, de la L team, elle a l'impression de rencontrer des gens différents, uniques, sur lesquelles elle peut penser pendant des heures.