Derek paraît flippant. Derek paraît menaçant. Derek lâche des droites. Derek crache des insultes. Derek est un p’tit con. Il aime s’foutre de la gueule des gens. C’est le premier à rire quand quelqu’un se casse la gueule. D’ailleurs c’est souvent lui qui pousse les gens. Derek est un peu lourd en fait. Il aime faire des remarques assez suggestives. Il donne des petites claques aux gens en guise de bonjour et puis répond en iranien aux profs pour les emmerder. Derek aime bien la provoc. C’est un gars bruyant qui cherche à se faire remarquer.

Derek s’est fait coincer.

Derek a changé. Derek s’est fait engueuler. Dumbledore l’a viré des Serpentards. Derek est véner’. Mais Derek dit pas grand-chose. Il se plaint pas. C’est pas une chochotte. Derek a sa fierté. Alors il fait c’qu’on lui dit de faire. Derek fait moins sa grande gueule. Il en a pris un coup. Il provoque plus trop. Derek est en retrait. Il a rejoint la L Team. La Loser Team. Derek est un loser. Ca lui donne envie de gerber. Mais il dit toujours rien. Derek déteste les blogs. Il a envie de ken à fond Say. Il fuit les lieux publics, les salles communes, les dortoirs. Derek ne crèche plus au château. C’est un peu le déclin. La chute du 13ème Empire. Le retour à la case départ. Derek se calme. Il redevient un peu lui-même.

Derek c’est pas un mauvais garçon. C’est juste un mec un peu paumé. Il est né très loin, dans un pays usé, pourri, mais il a pas l’impression d’être chez lui. Il est parti tôt d’là-bas pourtant, ils sont partis tôt. Et ses parents lui ont toujours raconté les horreurs. Son frangin qui se faisait frapper, parce qu’il était différent. La condition des femmes. Leurs vies de merde. Mais son frangin, surtout. Derek ça lui a foutu la haine. La haine à vie. Pas de l’Iran, non. Mais de l’espèce humaine. Pourtant il se sent déraciné. Et quand sa mère leur racontait les contes persans, c’était les meilleurs moments de son enfance. Derek a appris l’anglais en jouant dans la rue avec un voisin. Marcus Flint. Ils étaient un peu les seigneurs du kingdom. Du quartier. Les enfants terribles. Deux têtes d'anges.
Diable au corps. Ils ont grandi. Derek n'est pas un lâche. Il n'a jamais trahi personne. Il s'est toujours occupé de son frère. Son frangin. Aîné, pourtant. Derek parle la langue des signes. Il sait se faire comprendre. C'est quelqu'un de renfermé. Mais c'est quelqu'un en qui on peut avoir confiance. Derek n'a pas beaucoup de potes. Il a qu'un vrai bon pote. Marcus. Mais Marcus et lui ne se parlent plus. Derek a les boules. Il tire la gueule la plupart de la journée, mais essaie quand même parfois de sourire. Il aimerait prendre la vie à la légère, mais il n'y arrive pas trop. C'est un peu un gars torturé. Même s'il déteste qu'on lui dise ça. Pour Derek y'a pas de gris. Y'a que du blanc, ou du noir. Pas de compromis. Il aimerait retourner en Iran. Voir ce qu'il s'y passe. Parce que Derek méprise l'Angleterre. Surtout depuis que son père les a lâchés, y'a quelques mois. Il sait pas où se placer. Du côté des branleurs, sans doute. Derek a pas vraiment confiance en lui. Il a un peu été lâché dans la gueule du loup. Mais il l'admettra jamais. C'est un gars intelligent, sensible, mais il sait juste pas le montrer. Il est trop occupé à rendre sa vie compliquée. C'est un peu ça, Derek aime compliquer les choses.

Derek est fataliste. Il a plus vraiment confiance. Il assume. Mais il n'oublie rien. Ca non, Derek n'oublie jamais rien. Il a la fâcheuse manie de tout noter sur des brouillons. Il dessine, gribouille, se tâche les doigts. Derek a toujours plein d'encre noire sur les mains. Il a pas vraiment d'ambitions. Mais il veut faire un truc bien. Un truc ou il ne trahira jamais personne. Un truc ou il ne poignardera jamais personne. C'est pas un pourri, Derek. Il sait s'occuper de lui-même. Alors depuis que son père les a lâchés et qu'ils sont fauchés, Derek s'est trouvé un job. Il bosse à mi-temps à l'hôpital d'à côté. Il assiste les personnes handicapées. Ca l'aide à survivre. Il a l'impression d'être utile. Mais il le dit à personne. Derek a trop de fierté pour avouer qu'il est un peu livré à lui-même. Il haït son père. Il a envie de le butter. Mais il lui doit beaucoup de choses, et ça lui fout la haine. Derek déteste avoir des dettes. C'est comme avec les Flint. Il leur doit beaucoup. Mais il voudrait revenir en arrière. Et cracher sur leur argent. Il aurait pu aller au lycée public et être tranquille.
Mais impossible de revenir en arrière.

☆ histoire : Un. Deux. Trois. Quatre. A gauche. Il marche vite. Arpente les murs. On dirait un Serpent. Un. Deux. Trois. Toujours tout droit. Tête baissée. Il n’est pas un Serpent. C’est pas lui qui siffle. C’est les autres. Ca le gave. Il remonte sa capuche. Un murmure. Un sourire. Salut. Au revoir. Crétin.
Un chewing-gum, vite, un truc à mâcher. Y’a rien dans ses poches. Ah si, les vieux trucs pour arrêter d’fumer de maman. Il tire la gueule un instant. Ya quelque chose qui martèle ses tempes. Poing serré. Quelques pas encore. Quinze secondes. Treize. Onze. Il aime pas les chiffres pairs. Sept. Voilà les escaliers. Yeux fermés. C’est presque instinctif. Il soupire. Enfin. Mais rien ne change. Ca s’soulage pas là dans son torse, ce truc continue d’battre un peu trop fort. Et puis y’a ce mal de crâne. Comme s’il s’était tapé quinze rails d’un coup, comme si tout se focalisait là, sur se tempes. Boum. Boum. Boum. Putain il va le tuer.

Dumbledore l’a bien ken. Il arrive dehors, court un peu. S’arrête. Il a pas d’souffle. Y’a un mec qui s’approche. Derek fait même pas gaffe. Ses bras se tendent déjà devant lui et il se dégage le passage. Il entend une protestation, ça le fait pas sourire cette fois ci. Bâtard, t’avais qu’à être moins curieux. Ses mains s’enfoncent dans ses poches. Il attrape à nouveau le paquet de chewing-gum. Le tripote un peu. Sa main s’amuse sur le papier d’alu. Il s’apprête à le craquer, et puis non. Son poing l’écrase d’un coup. Il le jette par terre. Tant pis pour la nature. Ca le démange. Il shoote dedans puis se retourne. Il sait ce qu’il veut. Alors il recommence à courir. Et il sent son sac qui bat contre son dos. C’est p’t’être le seul truc qu’il sent. Il écoute pas quand on l’appelle, il ignore son portable qui vibre. Rien à branler. Il a la solution. Elle n’est plus très loin. Sheperd fouille ses poches. Rien dans son jean. Putain quelle merde. Il fouille son sac. Un billet caché. Il a envie de rire, tant ça le soulage. Il baisse la tête et se mord la lèvre, puis rentre dans la boutique, sort sa fausse ID et chope une bouteille de sky. Le mec le regarde mal. Il est sérieux ? Il veut vraiment jouer à ce jeu ? Maintenant ? « ‘ssup ? » qu’il lance. Le gros laisse tomber et lui tend l’alcool. Boum. Zéro £ dans les poches. Ca va être drôle maintenant.

L’air frais. Le bouchon claque entre ses doigts. Une gorgée. Deux peut-être. Ou trois. Allez. Une autre. Quatre. Merde, c’est pair. Tant pis. Cinq. Il grimace un peu puis se cale contre un mur. Sac par terre il enlève son sweatshirt. Essaie d’arracher le blason. Il a pas d’ongles. Il cherche ses clefs. Putain elles sont dans la piaule de Flint. Ca l’énerve. Il tire encore un peu. Essaie avec les dents. Le fil craque. Ou c’est sa mâchoire. Il le jette par terre. Tant pis. Il ouvre la bouteille, la vide dessus. Sort une allumette, balance le sweat dans la poubelle. Le feu. Le sifflement. La flamme. Serpentard. Il n’en aura plus besoin de toute façon.

Et il court encore. Mais cette fois, c’est pour la survie. Pas s’faire pécho. Eviter d’autres emmerdes. Il y est déjà jusqu’au cou. Il aimerait voir son frangin. Mais ils sont pas là. Il est seul. Seul face à Dumbledore. Seul à partir de maintenant. Il grimace. Renifle bruyamment. Crache par terre. Puis regrette. C’est dégueu. Mais Poudlard est là à nouveau. Et ça le dégoute un peu. Il s’accroche aux grilles. Les secoue. Donne un coup de pied. Et puis il voit un de ces bouseux passer. Le crétin là. Le frère de la meuf bonne, Dunstan. Putain. Il se faufile entre les grilles et le percute. Epaule contre épaule. Mais il fait rien d’autre. Il lève un doigt et s’éloigne. Il lâche un mot. Salaud. Un sifflement. Sauf que cette fois-ci, ça lui donne envie de vomir. Et il se déteste. D’être iranien, d’être aussi con. Il shoote à nouveau dans un caillou et jette son sac contre un arbre. Son pied s’abat violemment sur le tronc. Puis son genou. Puis son poing. Et quand ça commence à saigner, Derek s’arrête. Il se laisse tomber à terre et plonge sa tête entre ses mains. Ca r’commence. Retour à la case départ. Zéro.


☆ admission : Le statut social des Sheperd et leur entourage a fortement influencé l'entrée de Derek à Poudlard. Une fois l'anglais parfaitement maîtrisé le garçon ne pouvait être qu'un bon élément pour le château. En plus, il faut le dire, Derek a toujours été débrouillard et futé, et avait donc un dossier scolaire exemplaire à son arrivée au château. Mais tant de liberté c'était trop beau pour un gamin comme lui. Bien vite, Marcus et le Sheperd ont découvert les joies des mauvais tours et des conneries à répétition, détruisant ainsi l'image d'enfants aux bouilles exemplaires que décrivaient leurs familles. Un peu de pression et des bonnes notes à la prime leur ont néanmoins garanti une entre à Serpentard.
C'est là que tout s'est accéléré. Sans blague. Serpentard, l'élite. Ils étaient au top de l'échelle sociale et gouvernaient Poudlard, à quoi bon se prendre la tête sur leurs devoirs de maths ? Ce nouveau statut a été le début de la fin, stimulant la fainéantise des garçons et leur soif d'amusement. Ils ont poussé toujours plus loin, jusqu'à ce que Derek ne commette l'irréparable.

Accusé des derniers troubles au château il s'est tapé une bonne discussion avec le Dumbledore qui, dans un ultime geste, a évité le renvoi du garçon. Le déclin est néanmoins évident et son passage à la L Team également. Serpentard n'a plus besoin de ternir son nom avec un vandale et bagarreur par-dessus tout. Aussi intelligent soit-il, Derek doit d'abord calmer ses ardeurs.