☆ histoire : Mes parents m'ont obligé à aller voir un psy alors que j'ai dix-sept ans. Vous vous rendez compte de la honte que je suis en train de subir ? Assis dans la salle d'attente, j'attends qu'on appelle mon nom. Dix fois, vingt fois, cinquante fois, j'hésite à me lever et m'enfuir. Mais là ce n'est pas chez le psy qu'ils m'enverront, c'est à l'hôpital psychiatrique. Oh rassurez-vous je ne suis pas fou, loin de là. Immature et inconscient sont des mots qui me correspondent mieux : je ne prends jamais la tête et je n'obéis à personne. Je vais en cours quand ça me chante, je trompe les filles, je bois, je fume, je m'amuse. Mais il parait que c'est mal. En quoi est-ce que c'est mal ? Je n'en ai aucune idée, et c'est bien pour cela que je suis là aujourd'hui. Pour qu'on m'explique pourquoi je suis un "attardé mental" qui préfère vivre plutôt que se forcer à mener l'existence qu'on lui a imposé. Quand enfin on appelle mon nom, je ne me lève pas et je fais l'air de rien, comme si ce n'était pas moi. Quand je pense avoir réussi mon coup, je remarque que je suis seul dans la salle d'attente et que ça ne peut être que moi, Aiden Buckley. Je soupire, je me lève, tends la main, suis la femme dans son bureau. Elle a de jolies jambes, le rendez-vous en valait peut-être la peine.

Elle me demande de raconter ma vie, je réponds que j'ai la flemme. Quand elle me demande pourquoi j'ai la flemme, je réponds que je n'en ai aucune idée. Alors elle commence une théorie sur le refus de s'exprimer et je l'arrête bien vite, car encore plus que de raconter mon histoire, j'ai la flemme d'écouter ses raisonnements vaseux de femme un peu trop coincée. Je commence par ma naissance et mon enfance. Ma mère, ancienne mannequin, supportait mal de devoir être femme au foyer. Et puis il faut dire que nous sommes deux enfants, des jumeaux. Ma sœur me ressemble beaucoup, avec ses yeux bleus. Mon père, lui, possède un grand cabinet d'avocat. Une fois j'ai plaisanté en disant que j'allais en employer un pour me retourner contre lui et je me suis pris une bonne baffe. Il passe son temps à me fracasser la tronche, au moindre faux-pas. Du coup, comme j'ai l'habitude, ça ne me fait plus grand chose. Par contre, ça a complètement traumatisé ma sœur qui fait tout pour être parfaite et lui plaire. Il n'a jamais touché les femmes de la maison, heureusement. Je ne l'aurais pas supporté. Qu'on me fasse du mal d'accord, mais à ma soeur et ma mère, jamais. Pourtant elles-même me menaient la vie dure. Peu importait. Ma mère elle, a fini par lâcher la rampe et employer une jeune fille au pair pour nous garder. La jeune fille au pair, elle a fini dans mon lit quand j'ai eu l'âge de comprendre comme on faisait des bébés. Ils m'ont donné pour deuxième prénom le nom Elwin, qui était le prénom du père de ma mère. Celui là je ne l'ai jamais vu parce qu'il habite à New-York, mais il parait qu'il est pauvre maintenant, parce que son entreprise de poêles en inox a fait faillite. Je ne sais pas, je n'en ai rien à faire.

Depuis tout petit j'ai donc toujours eu une certaine liberté, et au moindre problème je me faisais tabasser mais ça ne m'empêchait pas de continuer. Tout ça me passait bien au dessus : j'étais blindé de thunes et j'étais immortel. Personne ne pouvait s'en prendre à moi, parce qu'on craignait ma famille comme la peste. Alors j'ai commencé à déconner sévère pour montrer à tout le monde que j'étais le plus fort. J'ai bu mon premier verre d'alcool à treize ans, j'ai fumé ma première cigarette à 14 ans et couché avec une fille cette même année. (c'était la jeune fille au pair) A quand la drogue direz-vous ? Ça ne m'intéresse pas, je connais mes limites et je ne veux pas les franchir. Et malgré ce choix de vie, j'arrivais à rester un excellent élève, quand je daignais aller à l'école. Je faisais parfois un effort, car c'était là-bas que je me faisais des amis et que je rencontrais des filles. J'avais conscience que ma vie était pathétique ainsi, mais je n'arrivais plus à vivre autrement. C'était ma façon à moi de me protéger de la réalité, d'une famille superficielle et puissante qui, au lieu de se faire des amis, enchaînait les connaissances hypocrites. D'une famille qui ne laissait aucune place à la tolérance et la bienveillance, au profit d'un côté ambitieux et perfide que je me complaisais à adopter. L'année suivante, j'allais entrer à Poudlard. J'irais à Serpentard, comme mes parents avant moi, et comme mes enfants iraient aussi. C'était ainsi, et pas autrement. Ma soeur, elle, j'étais certain qu'elle n'irait pas. Elle était trop douce, trop travailleuse. Serdaigle peut-être, ça lui irait bien.

Ma vie n'a en rien changé depuis. L'évènement le plus marquant de ma vie, c'est sans doute le jour où j'ai failli mourir, assassiné par un arbre. Je ne sais pas ce qu'il m'a pris, j'ai trouvé un équipement de parapente dans les affaires de mon père, je suis monté en haut d'une falaise et j'ai sauté. Le grand frisson vous comprenez, celui où l'on a l'impression d'être immortel. Bon bien sur je ne savais pas m'en servir de l'équipement, et j'ai foncé droit dans un arbre une centaine de mètres plus bas. Mes parents ont pris ça pour une tentative de suicide. J'ai eu beau leur expliquer que je n'avais pas besoin de tout ça pour mettre fin à mes jours, ça n'a servi à rien. Franchement, une boite de médicaments aurait suffit ! Quand on connait mon flegme légendaire en plus ... Et voilà que j’atterris ici, et que je regarde autour de moi sans écouter la blonde qui me sert de psy. Était-elle pom-pom girl pendant ces années au lycée ? Je lui coupe la parole et lui demande. La réponse est oui et j'ai réussi, elle est agacée. J'ai envie de rire mais la pauvre me fait de la peine.

Elle me demande alors de lui parler d'elle. Elle touche le point sensible, mon cœur se serre. Je n’ai pas envie de parler d’elle. Je sors mon paquet de cigarette, elle me dit de le ranger, je parle du temps qu’il fait dehors. Mais devant son insistance, je m’exécute. Je lui raconte comment je me suis fait berner, comment elle m’a brisé le cœur. Cette fille, c'était ma première fois. Enfin, pas sexuelle, mais mon premier amour. Le vrai. Le pur. Celui qui m'a permis de croire que je pourrais être heureux. Mais elle se moquait visiblement de moi. Après six mois de relation, je l'ai retrouvée dans les bras de mon meilleur ami. Je l'ai larguée sur le champ. Et quand deux mois après elle est venue me voir en me disant qu'elle était enceinte de lui, j'ai cru mourir de chagrin. Elle m'a supplié de l'écouter et la pardonner en disant que ce n'était rien, mais je n'ai pas voulu la croire. Je ne suis pas le genre de personne qui se fait avoir et répète ses erreurs sans cesse. Non, je ne l'ai pas écoutée, je lui ai tourné le dos et je suis parti. Quand j’ai fini de raconter, j’ai envie de m’achever. De boire, de fumer jusqu’à planer, de ne plus m’écouter. Je la hais. Pourquoi dois-je raconter ça ? C’est une telle honte ! En plus il faut dire que c'est con, parce que nos parents auraient bien aimé nous marier. Familles de bourges, familles puissantes ... On était des bons partis. J'en ai rien à faire, si je la croise, je lui coupe les cheveux aux ciseaux à cette garce. Malheureusement elle est aussi à Poudlard, ça me rend dingue. Si elle pouvait tomber dans les escaliers ! Alors je raconte comment est ma vie avec ma soeur : effectivement, elle n'est pas à Serpentard. Ça a un peu déçu mes parents, mais c'est comme ça. Mon père ne l'a pas tapée, alors ce n'est pas grave. On s'entend moins bien qu'avant depuis qu'on a plus d'amis en commun, mais c'est quand même la personne que j'aime le plus au monde. Et j’aime pas trop que les mecs essayent de poser leurs mains dégueulasses sur elle, c'est quand même ma soeur !

Comment se passe Poudlard ? Ma foi, bien. Mais cette réponse ne semble pas lui suffire. Nous faisons une bataille d’yeux jusqu’à ce que l’un de nous les détourne, et comme elle a un regard de rapace, je préfère perdre. Et pourtant, Dieu seul sait que je n’aime pas perdre ! Poudlard, je lui explique, c’est le top. Là-bas, je me suis fait des amis en carton et d’autres un peu mieux, et puis je me marre bien à essayer de mettre la misère aux Gryffondor. Les filles sont canons (et les mecs aussi) et puis j’adore cette compétition qui règne au sein de l’école. Ca me donne l’impression d’avoir un but. Et puis comme je suis un génie –c’est le psy qui l’a dit quand j’étais petit- j’ai pas besoin de faire grand-chose pour avoir des bonnes notes. Mon père a arrêté de me foutre sur la gueule et m’expose fièrement tel un trophet en vitrine, très fier de son « fiston » qui réussit bien à l’école et qui a un grand avenir devant lui. Le droit, pour ce que j’en ai à foutre, hein … Mais bon, si il est content, je suis content aussi. Je commençais à me demander si mon crâne allait être déformé à cause des coups, ou si j’allais juste entendre des boum dans ma tête toute ma vie. Sinon, j’ai oublié de vous dire, ma mère est encore enceinte. Mon père est très fier et dit être vigoureux, mais comme elle est enceinte de deux mois et qu’il y a deux mois il était en Chine, je me demande si il est stupide ou si il ne veut pas voir que ma mère couche à droite à gauche. Ma mère n’a que trente-cinq ans, elle nous a eu ma sœur et moi à dix-sept ans. Je crois qu’elle nous aime plus qu’avant maintenant, justement parce qu’on a grandi. Je suis heureux, je me sens bien et je suis prêt à me battre jusqu’à ce que la mort m’arrache la vie, pour mener l’existence rêvée. Qu’est-ce que je veux plus tard ? Je n’en sais rien. Je veux simplement avoir une vie de rêve. De l’argent peut-être, une femme magnifique et bonne au lit, un gosse ou deux, une belle carrière et quelqu’un avec qui passer des nuits clandestines. Ouais, ça, ce serait le rêve.


Je me tais et observe la psy. Ses yeux sortent de ses orbites et des gouttes de sueur perlent sur son front. Je pense qu'elle me prend pour un psychopathe, ou alors peut-être qu'elle a la gastro. Je sors du bureau d'un pas triomphant, la dame de l'accueil me demande la façon dont je vais régler la consultation. Je lui demande de contacter mon agent. Quel agent ? Je paye, débité de verser autant de livres pour une heure aussi inutile. Puis je sors. La vie ne fait que commencer.

☆ admission : Aiden a été détecté comme précoce et bien plus intelligent que les enfants de son âge. Il n’a que peu travaillé durant son enfance, n’en éprouvant pas le besoin. Pourtant il a une capacité d’analyse et de réflexion qui lui permettent de se laisser aller tout en obtenant des résultats honorables. Voilà pourquoi il s’en est sorti au test d’entrée sans difficulté. Pourquoi Serpentard direz-vous ? Pourquoi pas Serdaigle ? Parce qu’Aiden est monstrueusement intelligent, mais il est encore plus sournois et perfide que ce qu’il n’est intelligent. C’est pour dire ! Un vrai casse-burne, un lâche qui fuit ses responsabilités et rend le monde entier fou. Tant qu’il peut ennuyer les autres, il est heureux. Le jeune homme aime qu’on le serve, qu’on lui obéisse et le respecte, mais respecte très peu les autres. C’est dans sa nature et son éducation, que voulez-vous. On lui a toujours appris à être ambitieux et écraser les autres, alors il se fait un plaisir de le faire. Bon allez non, arrêtons de plaisanter une bonne fois pour toute, parce que trop de blagues tuent les blagues : si Aiden est à Serpentard, c’est parce que ses parents ont largement soudoyé l’administration pour qu’il y entre, après avoir dit qu’il voulait y aller. Avoir un tonne d’argent, c’est pratique dans ce genre de situation.