Encore une soirée au Néon, une soirée a laquelle je viens seule, sans vraiment avoir de but. Cela m'arrive parfois, quand je suis seule chez moi et que je ne sais pas quoi faire. Parfois je me dis que ça pourrait être le symptôme d'une maladie quelconque, mais j'écarte toujours cette hypothèse. Je fais ce que je veux, et aller seule en boite ne veut rien dire. Comme tous ces soirs passés ici, je me suis installée au bar, et j'ai commandé whisky sur whisky. Le barman ne dit plus rien, à force de me voir. Il ne dira jamais rien, d'ailleurs, car il sait qui je suis et de quoi je suis capable. Moi, celle que tout le monde appelle Amiante, je suis puissante. On ne m'appelle pas ainsi pour rien, en réalité. Je suis l'amiante qui empoisonne beaucoup de choses, des vies, des relations, des décisions ... Et j'aime jouer avec ma réputation. Alors ce soir, j'observe, je regarde les gens danser ensemble, s'amuser, en me disant qu'un jour, telle ou telle personne tremblera en sachant que je l'ai regardée. J'aime le pouvoir, c'est sûr. Mais j'aime par dessus faire des rencontres nouvelles, apprendre à connaître quelqu'un, scruter ses gestes pour percer ses secrets.

J'ai posé mon verre un peu sur la droite, et lorsqu'une jeune fille me le subtilise, je suis plus intriguée qu'irritée. Je la regarde, elle est sûrement déjà bien pompette. Est-ce que c'est parce que je manquais de mourir d'ennui que j'ai décidé d'engager la conversation ? Peut-être bien. "Salut, c'est mon verre que tu viens de prendre, là. Tu veux que je t'en paie un ?" Ce n'est pas une ou deux livres sterling qui manqueront, en fait, et j'ai soudain très envie de m'amuser, par quelque moyen que ce soit. Je lui adresse un sourire des plus charmant avant de commander deux verres de vodka. Elle est bien du genre à tourner à cette boisson, et en voyant son sourire satisfait, je me rends compte que mon hypothèse était juste. Je crois bien que je suis en forme ce soir ! Pendant qu'elle boit, je l'examine. Elle a les cheveux châtains qui tendent vers le brun, un peu décoiffés, un visage souriant, des yeux bleus, très bleus. Elle se trémousse au rythme de la musique et j'en déduis que c'est une clubbeuse aguerrie. J'hésite quelques instant avant de me présenter. "Lula. Enchantée." J'accompagne tout cela d'un nouveau sourire, que je veux chaleureux. Il est parfois difficile de ne pas être moi-même. Il faut dire que je suis cette fille que beaucoup de monde envie, froide et distante, mais je m'efforce d'avoir l'air amicale la plupart du temps, ce qui doit, j'imagine, atténuer le côté diva. J’interromps le cours de mes pensées, car elle s'apprête à me répondre, et je décide de ne pas me méfier d'elle, pour l'instant.

Elle me dit qu'elle s'appelle Elena, et à ce moment, je recale qui c'est. Une fille de Poudlard, de la L Team. Cela expliquerait pourquoi elle se comporterait de cette manière. "En quelques sortes, mais ce n'est pas la première fois. Je reste toujours dans l'ombre d'habitude." dis-je en riant. Elle drague un des mecs dégueulasses qui traînent au bar pour qu'il lui paie un autre verre, avant de l'envoyer balader. Je vois bien que le mec en question n'est pas de ceux qu'on doit draguer et jeter ensuite, car son expression devient très vite agressive. Oh non, pas de bordel ce soir, c'est le genre de choses que je voudrais éviter. Alors, au moment où il s'apprête à la saisir, je me lève et m'interpose entre les deux. "OK on se calme. Mon gars, je vais te payer un verre, et tu en resteras là, d'accord ? Sinon, et bien mon garde du corps s'occupera de toi." C'était du bluff, bien sûr, mais ça marche. La preuve : le mec se résigne, et le barman lui ressert un verre en m'adressant un signe de tête reconnaissant. Je souris à Elena, et je lui propose de venir danser avec moi, pour détendre un peu l'ambiance. Je l’entraîne sur la piste de danse et m'amuse à jouer la fille simple. A voir la façon dont elle me regarde, je me doute qu'elle y croit presque pas. Je laisse la musique m'envahir avant de commencer à bouger pour de bon. Je vois les mecs autour de nous mourir d'envie de nous toucher et je me sens à nouveau puissante. Ce sentiment est devenu une drogue pour moi, et en ce moment même je plane complètement.

Le temps passe un peu et au bout de quelques morceaux, nous sommes épuisées. Je me dirige vers une des tables situées au fond de la boite et m'y installe. Un serveur arrive rapidement pour prendre ma commande et je lui demande de m'apporter un whisky et une bouteille de vodka. Je fais signe à ma partenaire de danse pour qu'elle me rejoigne, et attends qu'elle vienne s'asseoir pour lui demander, l'air innocent et désintéressé "Toi, tu viens souvent ici ?" Je me doute que la réponse sera positive, car son visage ne m'est pas étranger en ces lieux, aussi fréquentés qu'ils puissent être. J'ai passé assez de temps à regarder les gens qui fréquentent la boite pour reconnaître ceux qui y sont habitués et ceux qui viennent pour la première fois, ceux qui viennent ici pour draguer ou juste pour oublier. Regarder les gens est la seule chose que j'ai faite ici, en réalité, et Elena est bien la première personne avec qui je danse. J'ai plutôt l'habitude de réserver cette activité aux house parties, et de me cantonner à boire et regarder en boite. C'est pas non plus un lieu dans lequel je draguerais un mec ou une fille, mais ce soir, je me sens prête à tout. Quoi qu'il se passe, quoi qu'il arrive, ou quoi que l'on fasse, je le ferais à fond, sans réfléchir. De toutes façons, j'imagine que le lendemain, elle ne se souviendra de rien. Du moins, je l'espère.

Je laisse sa question en suspens. Incontrôlable, voilà ce qu'elle est. Je suis sidérée devant cette fille qui m'explique qu'elle, elle aime vivre à 300 à l'heure, qu'elle vient ici pour rythmer sa vie. Je me dis qu'après tout, elle doit être aussi cassée en dedans que moi. Les boissons arrivent et elle paraît heureuse de recevoir une bouteille de vodka. Nous buvons en nous trémoussant sur nos chaises, et je profite de ce moment de répit pour réfléchir. Je pourrais continuer à la cuisiner, à tout faire pour tout apprendre sur elle et être heureuse d'avoir quelque chose pour ... peut être lui pourrir la vie prochainement. Ou bien je pourrais simplement décider de m'amuser et la provoquer comme j'aime tant le faire, et pourquoi pas, terminer cette soirée d'une manière que même elle n'aurait pas imaginée. "Tu sais ... Je n'ai pas forcément le temps de rêver. C'est une des choses que la vie ne me permet pas. Mais dormir ... Et bien saches que je déteste dormir seule !" Je ris avant de plonger mes yeux dans les siens. "Dis moi, tu as un copain ? Je veux dire ... un petit ami ?" Si elle comprend que je suis bien en train de la draguer, elle à deux option : s'enfuir ou rester. Et là, maintenant, je voudrais qu'elle reste, parce qu'en réalité, je ne veux pas finir ma soirée seule. J'ai toujours été sûre de ce que je voulais en matière de relations avec les gens. J'ai toujours su caser les personnes dans le bon modèle : ami, proche, petit-copain ou petite-copine. Pourtant, j'ai un peu de mal à choisir la bonne case pour ma nouvelle ... connaissance. J'ai à la fois envie de m'en éloigner le plus et très envie de faire bien plus connaissance avec elle. Le seul problème, c'est que je n'ai aucune idée de ses préférences, et encore moins si je lui plais. Je suis là, assise, en train de me livrer à un duel mental extraordinairement épique et personne ne peut en profiter. J'ai soudain très envie de tout raconter à la fille assise en face de moi, mais je me rends compte à temps qu'elle est la cause du duel. Je me dis que je dois avoir un peu trop bu, qu'il serait peut-être temps de rentrer, que je devrais partir avant que tout dégénère, mais il semblerait que la bad Lula se soit réveillée. C'est la fille complètement incontrôlable que je m'efforce de cacher au mieux, d'empêcher de sortir du plus profond de mon être. Et pourtant c'est ce qui est en train d'arriver. Je manque de me donner des claques. Je m'en veux d'avoir bu sans compter les verres, sans faire attention. Je suis habituée aux drogues les plus dures, et je ne suis même pas capable de tenir l'alcool quand je ne suis pas défoncée. Je crains carrément, en plus, dans ces moments là. Et pendant que je pense à tout cela à la fois, je me sens partir. Je sens que ma conception des limites ne sera bientôt rien de plus qu'un ... concept idiot auquel je ne prêterait plus aucune attention. Je me connais par cœur, et je sais parfaitement comment je serais dans les prochaines heures. Soudain, je me sens complètement perdue, et très heureuse. Je sens un grand sourire s’étaler sur mon visage. Je sais déjà que la soirée va dégénérer, et je m'en réjouis. Alors, pour commencer les festivités, je me lève et prends Elena par la main pour l’entraîner sur la piste. Nous dansons, et je ris énormément. Et puis soudain, nous nous retrouvons face à face, très proches. Alors je n'hésite pas, je me penche vers elle et je l'embrasse, comme ça, sans raison.

Tout se précipite. Tout devient flou. D'un seul coup, la soirée vire à l'orgie. J'embrasse n'importe qui, je me retrouve à moitié déshabillée, en train de danser assise sur les épaules d'un mec, puis dans les bras de celui-ci. La musique continue de jouer, imperturbable comme une ... une vierge dans une orgie. Une fille m’entraîne dans une danse langoureuse et osée, car tout de même, elle n'a plus de pantalon ! Je me demande pourquoi j'ai soudain des idées de jeune fille innocente. Je décide de remédier à ça et embrasse sans plus compter toutes les personnes que je croise. Certains ont l'air d’apprécier, d'autres non. Je retrouve soudain Elena, et la prends dans mes bras, avant de l'embrasser à nouveau, mes mains sur ses hanches. Je m'efforce de ne pas la laisser filer, et pourtant, cela finit par arriver. Je sens mes mains quitter lentement ses hanches, et mes lèvres ne touchent déjà plus les siennes. Elle disparaît dans la foule, et j'ai beau appeler son prénom, ma voix est couverte par la musique et les bruits en tout genre qui m'entourent. Déjà, un garçon de mon âge s'approche de moi, et reste là à me regarder, sans rien faire, comme pour me demander l'autorisation de me toucher. Alors je ne réfléchis plus, je me plonge à corps perdu dans la danse avec lui, pour oublier tout le reste, pour oublier qui je suis, ce que je faisais ici et avec qui et aussi pour oublier qu'il y aura un lendemain à cette soirée. Quelques heures plus tard, je suis en train de danser sur la scène du club avec le même mec, collé serré, tout en chantant "I'll never have to work, 'cause my daddy is rich. I'm partyin' all night, shinin' in the lights." Je me sens bien, de nouveau sous les feux des projecteurs. C'est le seul endroit où je suis vraiment moi, c'est le seul moment où je peux me livrer sans aucun artifice. La boite se vide lentement, mais lui et moi restons jusqu'au bout, jusqu'à ce que le propriétaire nous dise de partir. Je passe à côté d'une jolie fille qui semble aussi déchirée que moi, et son visage me dit quelque chose. Je ne cherche pas plus loin, et me laisse raccompagner par mon cavalier jusqu'à ma voiture. Et puis je décide de l'emmener avec moi. On monte dans ma Mustang, et je démarre sur les chapeaux de roues. Je roule vite, comme toujours. On arrive rapidement à un motel paumé, un peu miteux. C'est lui qui paie la chambre.

Réveil douloureux, dans un endroit inconnu. Souvenirs brumeux et bien trop délirants. Je suis assise sur les genoux d'un inconnu, certes mignon mais tout de même inconnu, sur la terrasse d'une chambre d'hôtel. Je me lève le plus doucement possible pour ne pas réveiller l'inconnu. Je pars à la recherche de mes vêtements, mais ne retrouve que mon short et mes sous-vêtements, ce qui relève du miracle. Plus de chaussures. Tant pis ! De toutes façons, c'était la troisième fois que je les mettait. Je prends le t-shirt de l'inconnu et récupère mes clefs de voiture avant de sortir de la chambre. Pieds nus sur le bitume, j'ouvre la portière, monte et démarre. Le vent dans mes cheveux, lunettes de soleil sur le nez, je rentre chez moi. Certaines images me reviennent, toutes plus troublantes les unes que les autres. Et cette fille ...

And I started to heart it again but this time it wasn't you
And the room is so quiet