« Secret professionnel mon cher, secret professionnel. Je pourrais me mettre nue, t'aurais pas le droit pour autant de leur en dire un seul mot. »
« Vous... Vous êtes bien renseignées à ce que je vois. Eh bien, prenez place sur le siège. »
Megan s'exécuta et se laissa tomber en arrière sur le canapé, croisant les jambes par la suite.
« Je peux vous tutoyer ? »
« Fais comme tu veux. Moi je me gêne pas pour le faire alors... Et puis, tu es jeune. Tu pourrais être mon grand-frère si j'en avais un. … Tu viens pas de débuter, par hasard ? »
« ... Comment tu le sais ? »
« Parce que t'es pas le premier psy que je vois. Mes parents aiment bine m'emmener chez le psy. Ils disent que ça soulage. Alors voilà. D'habitude, les autres ont plus d'assurance. … Si je n'étais pas gentille, j'en aurais profité pour te faire tourner en bourrique. »
« Tu joues un double jeu... Non ? Avec tes parents, et avec les gens... Tu es totalement différente de la gamine que j'ai vu tout à l'heure. »
« Gamine ? Pardon ? Tu peux parler toi, imberbe ! C'est pas parce que t'as ton diplôme en poche que tu peux te la péter maintenant ! J'ai seize ans ! C'est déjà pas mal. Pas besoin d'avoir trente ans pour enfin devenir adulte. Mais passons. Oui, je joue un double jeu. J'essaye de contenter tout le monde, il faut bien de toute manière ! … Puis il faut aussi que j'évite de me faire renier, tu vois. »
« D'accord... Mais... Tu n'as pas peur de te faire attraper un jour ? »
« J'aime avoir peur. J'aime le danger. Ca donne un sens à la vie, ça donne du peps, puis c'est tellement excitent ! Sans le danger, la vie me semblerait bien trop monotone. Je n'aime pas la routine. J'aime ne pas savoir ce qui m'attend le lendemain. »
« Carpe diem... »
« quam minimum credula postero. »
« Tu as vraiment une très bonne mémoire. »
« O-Oh. Pas tant que ça non... »
« Tu es une surdouée. Je le sais. Pas la peine de jouer la comédie. »
« Je ne vois pas de quoi tu parles. »
« J'ai eu les résultats de ton test. »
« Tu le files à mes parents, je te tue. »
« Tu le ferais vraiment ? »
« Tu veux parier ? »
« Je ne leur donnerai pas. Mais pourquoi... ? Tu as de quoi être fière ! Et puis d'ailleurs... Pourquoi tes résultats sont très... Hétérogènes en cours ? »
« Mais justement ! C'est parce que je ne suis pas conne que je ne leur montre en rien ! Je voulais être magicienne, moi. Et puis, j'adore ça. Faire des tours, me jouer de mon entourage, entretenir l'illusion... Evidemment, mes parents ont refusé. Hors de question. Alors pour avoir la paix... Je fais mine d'être une élève banale. Avec un QI moyen quoi. Comme ça j'étudie les arts, et à côté je fais tout ce dont j'ai envie. Si mes parents apprennent pour mon test, je me retrouverai forcée à faire des études de politique, ou de droit, ou de finances. Et honnêtement je peux m'en passer. »
« D'accord... En fait, tu fais ça pour préserver ta liberté, c'est ça ? »
« Exactement ! Je veux pouvoir faire tout ce dont j'ai envie. Et en travaillant peu, je le peux ! Sortir, faire la fête, faire des conneries... »
« Et qu'est-ce que tu aimes faire, concrètement ? Puis qu'est-ce que tu aimes en général ? »
« Bah je te l'ai déjà dit ! J'aime sortir. Faire la fête, puis m'attirer des ennuis. C'est bizarre mais oui, j'aime à ce point le danger, oh oui ! J'aime faire de nouvelles expériences. J'aime écrire, peindre, chanter... Faire les boutiques ! J'aime les vêtements colorés, les jupes courtes, les hauts un peu déchirés, les chaussures à talons très hauts... Evidemment, je ne porte pas ça devant mes parents. Devant eux, c'est tout autre chose. Puis j'aime boire aussi. Voir même fumer quelque chose de temps à autres. J'aime manger, mais je n'aime pas le lait et les légumes ! J'aime... Qu'est-ce que j'aime d'autre, hum... Faire du sport ! Voyager ! Attirer l'attention. Et faire croire aux gens que je suis une princesse ; 99% des étudiants pensent que j'ai du sang royal qui coule dans les veines. »

« Mais... Tu as réellement du sang royal ou... ? »
« ... Oui. On va dire que nous sommes des cousins germains de la famille régnante. Ca explique en partie toutes les places au gouvernement que ma famille tient de génération en génération. Mon père voudrait bien d'ailleurs que j'aie un poste au gouvernement plus tard... Mais ça ne m'intéresse pas. Du tout. »
« Quelle a été ton enfance ? »
« Mes parents travaillaient beaucoup sans me négliger pour autant. Avant d'aller ne cours comme tous les autres enfants, j'ai eu pendant une certaine période un précepteur. Des cours particuliers, rien que pour moi. A l'âge de sept ans, on m'a enfin scolarisée comme tous les autres gamins. J'avais une nounou, de nombreux domestiques rien que pour moi... Et leurs enfants pour camarades de jeu. Etant fille unique, j'étais chouchoutée, et j'avais droit à tout. Tout. Je n'avais qu'à demander. Mes parents essayaient d'être là aussi souvent que possible, au moins deux fois par semaine. Et... Ils mettaient un point d'honneur à s'occuper personnellement de mon éducation. Ma mère qui avait pratiqué la danse classique pendant de nombreuses années surveillait ma posture, mes manières, pendant que mon père, quant à lui, se souciait surtout de ma culture. Il a tenu à ce que j'apprenne le grec et le latin. Non mais tu te rends compte ? Grec et latin. Des langues mortes. Mais bon. Même si mes parents sont très pointilleux, je sais qu'ils m'aiment. Enfin, qu'ils aiment le rôle de petite-fille sage auquel ils ont droit depuis toujours. »
« Mais tu joues ce jeu depuis toute gamine ? »
« Evidemment ! … Heureusement, je n'ai jamais été conne. Alors ça a commence très tôt. Devant ma mère, je me tenais comme une petite princesse. Dès qu'elle partait, je jettais ma robe par terre et je courais partout dans la maison. J'ai eu de la chance. C'est les domestiques qui ont souvent couvert mes frasques, en fait. »
« Il n'y a pas eu une fois où tu as manqué de te faire attraper ? »
« Si si. Forcément. En fait, lorsque j'ai fréquenté pour la première fois une école primaire... Bon, j'ai du m'intégrer. Mes bouclettes blondes et mes airs de poupée ont rapidement plu aux garçons, donc j'ai commencé à avoir plein de copains de partout. A un moment, j'avais même deux jumeaux pour amoureux. Puis bon, y a la peste officielle de l'école, la pseudo-reine de la récré qui a voulu s'en prendre à moi. Je l'ai frappée. Je lui ai cassée une dent. Et elle avait un spectacle de danse à faire le lendemain. Ses parents se sont plaints aux miens... »
« ... Qu'est-ce que tu as fait du coup ? »
« Quand j'ai su que mes parents l'avaient appris, j'ai arrêté de manger. Puis après, je suis allée m'enfermer dans le sauna. J'y suis restée... Fiuw, je sais pas combien de temps. En ressortant de là, je ressemblais à un zombie. Tout le monde s'est inquiété, dans les domestiques. Quand mes parents sont entrés, ils ont retrouvé leur petite princesse au lit. Mal en point. Souffrante. Quand je leur ai dit avec mon air abattu et mes larmes de crocodile que je m'étais uniquement défendue, qu'elle m'avait cassé le beau collier que ma grande-tante m'avait offert – un collier hyper moche en fait … et je l'avais cassé moi-même – et que j'avais voulu le lui faire payer puis qu'ell m'avait frappée et j'en passe... Ils ont passé l'éponge. Aucun adulte n'avait été là durant notre petite bagarre. C'était ma parole contre la sienne. »
« Et je présume que tu as remporté la manche haut la main ? »
« Exactement ! Tu commences à bien me connaître. »
« Ensuite, tu as eu des petits amis ? »
« Des tonnes ! Je suis déjà sortie avec un prince danois même ! Un canon de chez canon. Mais finalement... J'ai découvert qu'il était gay. … Je m'en remettrai jamais, je crois. Comment peut-on être gay quand on a un trésor comme moi ?! »
« D'autres bêtises à me raconter ? »
« J'ai failli mettre le feu au chalet de mon grand-père, une fois. Mais mon grand-père est adorable. Aussi étrange que cela puisse paraître... Il est vraiment... Cool avec moi. Cool est le mort. Etrange, quand on sait que l'éducation qu'il a donné à mon père a été plus sévère que sévère. »
« Cool ? Comment ça ? »
« Il me défend, il m'offre tout ce que je veux... Il m'emmène jouer au golf avec lui, puis une fois, quand mes parents se sont absentés... Il m'a emmenée voir un match de football américain ! Et après, j'ai pu même y jouer, en étant la seule fille de l'équipe ! Si mon père avait vu ça... Je pense qu'il aurait fait un malaise. De même pour ma mère. Eux, ils veulent que je m'habille comme une fille, que je fasse des trucs de filles, et point à la ligne. »
« Tu as des projets d'avenir ? »
« Vivre d'amour et d'eau fraîche. Non, plus sérieusement... Je compte délapider la fortune familiale tout en alliant magie et art pour y ajouter quelques centimes. Peut-être que plus tard je peindrai des toiles qui coûtent la peau du cul, allez savoir ! »
« Côté amour ? »
« Mon père voudrait bien me voir mariée au prince Harry. D'après lui, l'âge n'a pas d'importance. Haha. Ca promet, hein ? »