« CHAQUE INSTANT DE LA VIE EST UN PAS VERS LA MORT » P.C -
Extrait du Tite et Bérénice
Le temps file trop vite, la vie est courte. Oks l’a compris à ses dépends très tôt et elle s’efforce à chaque jour de profiter de tous les instants qui s’offrent à elle. Téméraire, elle prend des risques que d’autres n’oseraient pas, semblant parfois insouciante et indifférente aux conséquences de ses actes. Elle aime s’amuser, bouger, rire et chanter, sourire aux autres et faire semblant que tout va bien aller. Son optimisme semble débordant et à toutes épreuves mais les belles phrases positives qui s’écoulent de ses lèvres ne sont pas toujours pensées. Malgré ses tentatives pour voir tout du bon côté, Oks est souvent craintive quant à l’avenir mais elle préfère ne pas le montrer. La russe est une fille facilement abordable, de celles qu’on aime bien fréquenter pour la joie qu’elles répandent autour d’elles. Rarement, vous la verrez pleurer ou baisser les bras ; elle préfère chantonner, plaisanter et répandre sa bonne humeur.

« BUVONS CHERS AMIS, BUVONS : LE TEMPS QUI FUIT NOUS Y CONVIE ; PROFITONS DE LA VIE AUTANT QUE NOUS POUVONS » M. -
Extrait du Le Bourgeois gentilhomme
Les dérapages dans la vie d’Oksana sont peu nombreux. Pas d’amant dans le placard, aucune virée rocambolesque à travers la nuit avec des drogués qui sniffent de la colle, pas de fugue jusqu’à l’autre bout du pays. Elle boit à l’occasion, modérément, et fait la fête comme tout le monde mais jamais à s’en rendre malade. Ses anciennes relations amoureuses se comptent sur les doigts d’une main, et elles ont toutes abouti sur…rien. En raison de sa situation, Oks préférait conserver son corps pour son cercueil plutôt que de le donner au premier venu et se faire briser le cœur. Elle n’avait pas le temps de pleurer un type qui ne le rappelait pas, pas le temps de s’en vouloir pour une bêtise qui ne se reproduirait pas. Jusqu’à très récemment, donc, elle jugeait préférable de ne pas s’engager et d’éviter les relations d’un soir. La petit russe a par contre une dépendance : elle fume. Au début, elle avait commencé par colère, provoquant par la fumée une maladie qui n’en avait rien à faire de ses actes minables de rébellion. Avec le temps, c’est devenu une sale habitude, une manie dont elle ne peut se débarrasser – et à quoi bon, de toute façon?

« SOIS SATISFAIT DES FLEURS, DES FRUITS, MÊME DES FEUILLES, SI C'EST DANS TON JARDIN À TOI QUE TU LES CUEILLES!» E.R -
Extrait du Cyrano de Bergerac
Oks est passionnée du théâtre. Elle joue dans diverses pièces, opéras et comédies musicales depuis qu’elle est toute jeune. C’est une façon pour elle de s’évader, d’oublier l’épée de Damoclès qui brille au-dessus de sa tête. Lorsqu’elle monte sur scène, la petite russe devient cette femme fatale et émancipée qu’elle n’est pas, cette gamine naïve et confiante qu’elle aurait aimé être, cette rebelle effrontée qui se moque de la vie, du futur et du passé. Elle devient tout à la fois, tout en perdant – l’espace d’un instant- ce qu’elle est. Les masques s’incrustent dans sa peau et lui font oublier les misères du quotidien et jusqu’à ce que le rideau tombe, elle se sent libre et heureuse.

☆ histoire :
On lui disait qu’elle était normale. Que l’hôpital était un jeu pour apprendre à devenir grande, qu’elle n’avait pas besoin de cheveux pour être belle. Un monde parfait dans une bulle rose, avec du chocolat chaud tous les jours, une maman adorable, un père aimant et un petit chiot nommé Fluppy. De loin, ils formaient la famille idéale, de proche, ils l’étaient réellement. On lui donnait tout ce qu’elle voulait, à la limite du raisonnable, mais on lui refusait une chose. La seule qu’elle désirait réellement et c’est pour ce même souhait qu’elle s’acharnait cette journée-là auprès de sa génitrice, boudant avec une moue infantile les bouquins qui étaient posés devant elle.

« Oksana…» murmura la femme blonde qui lui faisait la leçon, agacée. Le tailleur bleu marin qu’elle portait faisait ressortir l’azur de ses yeux et son allure d’ange : cette apparence ne suffit pourtant pas à calmer l’enfant, qui était bien décidée à obtenir gain de cause. Les bras croisés, elle réitéra la même demande, celle qui revenait en boucle ces temps-ci.

« Je veux aller dans une vraie école! S’il-te-plaît, maman…»

Là où les autres filles de son âge allaient. Elle les voyait le matin, se diriger vers l’établissement de briques rouges, avec leurs nattes décolorées et leur sac plein à craquer. Elles riaient, jouaient, chantaient. Heureuses. L’enfant soupira tandis que sa mère caressait doucement son bras d’un air triste, là où s’étalaient encore plusieurs ecchymoses.

« Plus tard, quand tu seras plus vieille. »

Une famille trop parfaite. Elle jeta un regard désolé vers la fenêtre avant de retourner à sa leçon d’anglais, regrettant de ne pas savoir répliquer, de ne pas pouvoir protester. Elle obéissait, tout simplement.


« Tu es magnifique. »

Vrai, faux, ça n’avait pas d’importance. Oksana sourit au reflet de sa mère dans le miroir, qui réajusta tendrement une mèche dorée s’échappant de son chignon. Des paroles de parent, voulant tout faire pour rassurer son enfant. Si elle savait…Elle attendit qu’elle quitte sa chambre pour délasser le haut de sa robe bustier, qui retomba le long de ses hanches. De ses doigts fins, elle caressa les pétéchies qui envahissaient graduellement son ventre et les ecchymoses violacés qui marquaient désormais le haut de sa poitrine. Ça empirait de jour en jour, depuis quelques semaines. Sa mère, elle aurait dû la prévenir depuis longtemps déjà. Sauf que ce soir, il y avait cette soirée, celle qu’elle attendait depuis un moment. Et demain, enfin, c’était la rentrée à Poudlard. Elle n’allait pas laisser la maladie gâcher tout encore une fois. Pas question que ses parents soient au courant : de toute façon, peut-être était-ce une fausse alerte. Tout allait rentrer en ordre naturellement, elle allait commencer sa nouvelle vie dans une vraie école et tout le reste ne serait qu’un mauvais souvenir. Elle était normale : pourquoi n’aurait-elle pas droit, elle aussi, au bonheur?

Elle rattacha sa robe opaline, descendant les escaliers pour aller rejoindre les invités. Ses parents la laissaient rarement participer aux soirées qu’ils organisaient ou auxquelles ils étaient conviés. Elle était trop jeune, trop faible, disaient-ils. Ce soir était différent. La jeune russe regarda rapidement autour d’elle, impressionnée par les décorations, par la musique et les rires. Tellement de vie, tellement de joie. Comment avait-elle pu passer à côté de tout ça? Elle se faufila rapidement à travers un groupe de jeunes de son âge, s’intégrant aisément dans la conversation. Pour Oksana, sourire était aussi naturel que de respirer.

« C’est la première fois que l’on a l’honneur de se rencontrer. » murmura une voix derrière elle. L’adolescente retînt son souffle avant de se retourner, les yeux écarquillés sous la surprise. Beau, celui qui la regardait d’un air avenant l’était énormément. Que lui voulait-il?

« Je sors rarement. »
« Oui…je t’aurais remarquée avant, sinon. »

Du coin de l’œil, elle aperçut ses parents qui la couvaient du regard. Tellement protecteurs, tellement…puritains. Elle ignorait comment parler à ce garçon pourtant, elle était certaine que ses nouvelles amies s’en chargeraient très bien, en clignant des cils et en riant sottement. Quant à elle, ce monde lui était inconnu. Gênée, elle baissa légèrement la tête pour fixer ses chaussures. En constatant son ignorance, peut-être partirait-il. Elle sentit une main se poser délicatement sur son visage, pour redresser sa tête. Surprise, elle fixa ses yeux d’azur sur l’apollon.

« Je me nomme Eden.»
« Et moi Oksana. »

Son sourire s’élargit et sa main délaissa sa joue pour se tendre vers elle. La russe hésita avant de la serrer, médusée.

« Ravi de te rencontrer. »

Peut-être avait-elle raison, finalement. Tout irait mieux désormais.


Il était disparu aussi vite qu’il était apparu. Eden, son nouveau copain, le seul qu’elle ait jamais eu. Pas assez patient pour l’attendre, pour comprendre. Assise sur son lit, dans le dortoir, la russe s’empara de l’unique portrait qu’elle avait de lui. La photo prise dans un photomaton reposait dans un vulgaire cadre en toc, posé sur sa table de chevet. Elle le représentait, tout souriant, quelques semaines auparavant. Avant qu’il ne lui demande quelque chose qu’elle n’était pas prête à lui donner, qu’il laisse tomber les beaux mots et les belles phrases. Une larme coula sur sa joue et elle ne l’essuya pas, ses yeux fixés sur cette image qui pendant un moment, avait représenté beaucoup pour elle. Le signe qu’elle n’était plus dépendante de ses parents, qu’elle vivait pour elle. Une illusion, une blague amère.

Avec rage, elle jeta le cadre sur le sol, indifférente aux bouts de verre qui se répandirent à travers la pièce. La tête lui tournait, le souffle lui manquait. Elle aurait dû s’étendre, prendre ses médicaments. N’aurais-ce pas été signer sa défaite, dire adieu à cette normalité qu’elle chérissait tant? Elle prit son portable dans sa poche, consulta naïvement sa messagerie. Aucun message. Une brume obscurcissait son esprit, un voile brouillait son regard. Elle jeta aussi le portable à travers la pièce, prise d’une soudaine quinte de toux. Si elle avait eu un mouchoir à portée de main, elle aurait pu l’utiliser. Elle savait déjà ce qu’elle y aurait vu…Ces mêmes gouttes écarlates qui parsemaient désormais son couvre-lit, se moquant d’elle et de son désir de vivre. La russe frissonna, hoquetant, observant son portable qu’elle avait jeté au loin. Trop loin. Ses tremblements s’intensifièrent, sa respiration s’accéléra davantage. Elle se leva, tentant de rejoindre la porte. Vainement. Lorsqu’elle s’écroula sur le sol, la dernière image qui imprégna sa rétine fut celle d’Eden qui, ironique, le narguait dans son cadre brisé.


Sourire, simuler, faire semblant. Elle avait toujours été douée à ce jeu. Mais cette fois, alors qu’elle déposait sa main avec bravache sur l’épaule de l’homme qui lui faisait face, un sourire séducteur aux lèvres, elle était parfaitement heureuse. À l’aise. Ce geste, elle l’avait répété des centaines de fois, cette réplique qu’il allait prononcer, elle l’avait entendue tout aussi souvent. Il parla, se pencha vers elle, caressa sa joue. Elle pouvait sentir le parfum qu’il mettait toujours, même sur scène, comme un porte-bonheur absurde et odorant. Son sourire s’accentua naturellement et le rideau tomba sur les applaudissements du public, ce bruit sincère et chaleureux qui lui donnait chaque fois des papillons au ventre. Son partenaire lui attrapa la main tandis que le reste de la troupe s’avançait et ils contournèrent la lourde masse de velours pour se retrouver de nouveau face aux spectateurs, s’inclinant devant eux en guise de salut.

L’adrénaline coulait toujours dans ses veines lorsqu’ils retournèrent à l’arrière-scène, les joues rouges. Son coéquipier lâcha finalement ses doigts et la prit dans ses bras, la faisant tournoyer. Elle rigola, tandis que le reste de la trouble chahutait bruyamment.

« Tu viens avec nous ce soir? » demanda-t-il avec entrain, tandis qu’il la redéposait par terre. Ils avaient une vieille habitude, après chaque représentation, qui consistait à aller prendre un verre au bar du coin.

« J’peux pas, j’ai promis à quelqu’un de…»
«Ooooh! T’as un rendez-vous? Hé les autres! Oksana a…»

Elle plaqua sa main contre la bouche de son ami, les lèvres pincées pour s’empêcher de rire.

« Chtt. C’est qu’un ami. »
« C’est ça. Et moi, j’suis hétéro. »
« Génial. J’ai une copine qui depuis quelques semaines, n’arrête pas de baver sur toi. Elle va être ravie de l’apprendre. »

La grimace que lui adressa son ami accentua son sourire et après une dernière boutade, elle s’éloigna en direction des loges pour se préparer. Ce n’était pas réellement un rendez-vous. Qu’une balade entre amis. D’une main experte, elle dénoua ses cheveux et se démaquilla légèrement, laissant cependant suffisamment de fond de teint pour camoufler les marques violacées qui débutaient à la base de son cou.

Quelques minutes plus tard, Oksana quittait la salle de spectacle et cherchait du regard celui avec qui elle était supposée passer la soirée. Elle avait désespérément envie d’une camel, mais son désir de nicotine allait devoir patienter. Du coin de l’œil, elle aperçut celui qu’elle attendait et elle s’improvisa un masque assuré alors qu’elle marchait vers lui, souriante. Blaise. Un type sympathique rencontré à une soirée, qui semblait se faire beaucoup trop d’attentes à son sujet. La jeune russe s’était renseignée, savait quel genre de mec il était. Le genre typique. Alors qu’Oksana n’étaient pas de celles qui couchaient avec la moitié de la population mâle de Poudlard. Mais en attendant, rien ne l’empêchait de passer une belle soirée en sa compagnie, non?


Qu’ils se taisent. Qu’ils cessent de la regarder comme une bête de foire et qu’ils se taisent. Elle aurait voulu leur dire de partir, mais elle ne pouvait le faire, incapable de faire autre chose que d’hocher la tête. Ses veines la brûlaient, sa tête était en feu. Sur le point d’exploser. Tout son corps n’était que douleurs, tous ses nerfs lui semblaient être tailladés. Une rechute, avait-on dit à ses parents. Elle avait entendu le médecin alors qu’elle fixait le mur blanc, le professionnel semblant presque oublier sa présence alors qu’il parlait d’un ton badin de la réapparition de cette maladie qui lui pourrissait la vie. Plus de chimio, plus de traitements qui la mettaient k.o pendant des semaines. En soi, ça aurait dû être une bonne nouvelle. Mais ce ne l’était pas : ils abandonnaient. Les blastes avaient envahi d’autres organes et s’attaquaient maintenant à ses poumons.

« Combien de temps? »

Elle ne voulait pas que ce type en blouse immaculée réponde à ses questions. La jeune russe désirait qu’il tourne les talons, hausse les épaules, prétende ne pas le savoir. N’importe quoi qui ne comportait pas de chiffres. Sauf que ses envies, il y a longtemps que personne ne les respectait.

« Quelques mois, peut-être moins, je suis désolé. »

Les cris les plus atroces sont ceux qui ne briseront jamais le mur du silence. Étendue dans son lit, reliée à divers tubulures, Oksana n’émis pas un son. Ses yeux brillèrent férocement alors que son cœur s’accélérait, faisant bipper la machine auquel elle était connectée. Quelques mois, rien de moins, rien de plus. Tous ses efforts pour bien vivre n’avaient servi à rien. Manger sainement ? Une connerie. Ne pas se droguer? Foutaise. Éviter les excès de boisson? Allez vous faire foutre. Aimer? Tout allait changer…


☆ admission : Elle avait supplié ses parents depuis des années de la laisser aller dans une école normale et de cesser de lui faire l’école à la maison. Pendant quelques années, sa santé allait beaucoup mieux et ils ont donc accepté. Oksana avait fait plusieurs recherches pour trouver la bonne école, celle de ses rêves. En apercevant le site internet et les photos de Poudlard, elle a été captivée. Ses parents ont payé l’inscription sans rechigner, toutefois troublés à l’idée de la laisser aller loin de la maison. Vu son potentiel artistique, poufsouffle semblait totalement fait pour elle.